L’Assassin
assassiné de Julien Clerc
et Jean-Loup Dabadie
C’était un jour à la maison
Je voulais faire une chanson
D’amour peut-être
A côté de la fenêtre,
Quelqu’un que j’aime et qui m’aimait
Lisait un livre de Giono
Et moi penché sur mon piano
Comme sur un établi magique
J’essayais d’ajuster les mots
A ma musique...
Le matin même, à la Santé
Un homme... un homme avait été
Exécuté... Et nous étions si tranquilles
Là, au cœur battant de la ville
C’était une fin d’après-midi
A l’heure où les ombres fidèles
Sortant peu à peu de chez elles
Composent doucement la nuit
Comme aujourd’hui...
Ils sont venus à pas de loup
Ils lui ont dit d’un ton doux
C’est le jour... C’est l’heure
Ils les a regardés sans couleur
II était à moitié nu
Voulez-vous écrire une lettre
II a dit oui... il n’a pas pu
II a pris une cigarette...
Sur mon travail tombait le soir
Mais les mots restaient dans le noir
Qu’on me pardonne
Mais on ne peut certains jours
Ecrire des chansons d’amour
Alors j’ai fermé mon piano
Paroles et musique de personne
Et j’ai pensé à ce salaud
Au sang lavé sur le pavé
Par ses bourreaux
Je ne suis président de rien
Moi je ne suis qu’un musicien
Je le sais bien...
Et je ne prends pas de pose
Pour dire seulement cette chose
Messieurs les assassins commencent
Oui, mais la Société recommence
Le sang d’un condamné à mort
C’est du sang d’homme, c’en est encore
C’en est encore…
Chacun son tour, ça n’est pas drôle
On lui donne deux trois paroles
Et un peu... d’alcool...
On lui parle, on l’attache, on le cache
Dans la cour un grand dais noir
Protège sa mort des regards
Et puis ensuite... ça va très vite
Le temps que l’on vous décapite
Si je demande qu’on me permette
A la place d’une chanson
D’amour peut-être
De vous chanter un silence
C’est que ce souvenir me hante
Lorsque le couteau est tombé
Le crime a changé de côté
Ci-gît ce soir dans ma mémoire
Un assassin assassiné
Assassiné... Assassiné…
Julien Clerc,
paroles Jean-Loup Dabadie.
L’assassin assassiné, J. Clerc, J L Dabadie publiée en 1978, époque où la peine de mort existait encore en France (abolie en 1981 par Badinter/Mitterrand).
Badinter a dit à Julien Clerc que sa chanson avait compté beaucoup plus dans le débat contre la peine de mort que tous les autres débats parlementaires.